Partager cet article
Lorsque vous souscrivez une assurance-vie, un PEA ou tout autre produit d'investissement, votre conseiller doit désormais vous poser des questions sur vos préférences en matière de durabilité environnementale et sociale. Une obligation européenne encore mal appliquée que les régulateurs français tentent de clarifier.
Une obligation réglementaire méconnue depuis 2022
Depuis le 2 août 2022, la directive européenne MiFID II impose à tous les professionnels du conseil financier de recueillir les préférences de durabilité de leurs clients. Concrètement, avant de vous recommander un placement (assurance-vie, PEA, compte-titres, SCPI), votre banquier ou conseiller en gestion de patrimoine doit vous demander si vous souhaitez que votre épargne finance des activités respectueuses de l'environnement ou socialement responsables.
Dans les faits, cette pratique reste inégale : certains établissements posent des questionnaires détaillés, d'autres se contentent d'une simple case à cocher, et beaucoup oublient purement et simplement cette étape. L'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) et l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) présentent aujourd'hui une démarche commune pour harmoniser ces pratiques.
Que recouvrent exactement les "préférences de durabilité" ?
Les préférences de durabilité s'articulent autour de trois grands axes définis par la réglementation européenne :
Les investissements durables au sens du règlement SFDR : il s'agit de placements qui financent des activités contribuant à un objectif environnemental (énergies renouvelables, économie circulaire) ou social (égalité hommes-femmes, insertion), sans causer de préjudice significatif.
Les investissements alignés sur la taxonomie européenne : cette classification très précise identifie les activités économiques considérées comme "vertes" (production d'énergie solaire, isolation thermique des bâtiments, transport ferroviaire...). Un placement peut afficher un pourcentage d'alignement, par exemple "30% aligné taxonomie".
Les investissements prenant en compte les Principales Incidences Négatives (PAI) : votre conseiller peut vous proposer des produits qui excluent certaines activités controversées (armement, tabac, énergies fossiles) ou favorisent les entreprises aux meilleures pratiques ESG (Environnement, Social, Gouvernance).
Comment se déroule le questionnaire en pratique ?
Lorsque vous rencontrez votre conseiller pour un nouveau placement ou une révision de votre allocation, il doit vous interroger selon une logique progressive :
-
Question initiale : souhaitez-vous que vos investissements intègrent des critères de durabilité ?
-
Si oui, précision du niveau d'exigence : souhaitez-vous qu'une partie minimale de votre placement soit durable (par exemple, au moins 50% d'investissements durables) ?
-
Si oui, type de durabilité privilégié : préférez-vous les investissements environnementaux (climat, biodiversité), sociaux (emploi, santé), ou les deux ?
Selon vos réponses, le conseiller devra filtrer les produits disponibles et ne vous proposer que ceux qui correspondent à vos critères. Si aucun produit adapté n'existe dans sa gamme, il doit vous en informer et, soit revoir vos critères avec vous, soit ne rien vous vendre.
Les professionnels face au casse-tête de la mise en œuvre
La difficulté pour les établissements financiers réside dans la complexité de la réglementation et l'hétérogénéité des produits. Chaque fonds d'investissement ou assurance-vie peut afficher des caractéristiques ESG différentes, avec des méthodologies variables.
L'ACPR et l'AMF ont constaté que certains professionnels utilisent des questionnaires trop simplistes (une seule question fermée), tandis que d'autres submergent les clients de jargon technique incompréhensible. La démarche conjointe des deux autorités vise à proposer un cadre équilibré : suffisamment détaillé pour être conforme, suffisamment pédagogique pour être compris.
Quel impact sur vos placements et leurs performances ?
Une question revient fréquemment : investir "durable" réduit-il le rendement ? Les études académiques récentes montrent que les fonds ESG affichent des performances comparables aux fonds traditionnels sur le long terme, avec parfois une meilleure résilience en période de crise.
En revanche, certains placements affichant des labels de durabilité peuvent avoir des frais de gestion légèrement supérieurs (0,10% à 0,30% de plus par an). Il convient de comparer les conditions tarifaires avant de souscrire.
Concernant la fiscalité, les investissements durables bénéficient des mêmes avantages que les placements classiques : exonération d'impôt sur le PEA après 5 ans, fiscalité attractive de l'assurance-vie après 8 ans, etc. Aucun avantage fiscal supplémentaire n'existe à ce jour en France pour privilégier l'investissement durable, contrairement à certains pays européens.
Ce que vous devez faire lors de votre prochain rendez-vous
Avant votre prochain entretien avec votre conseiller financier, réfléchissez à vos priorités :
Si la durabilité vous importe : documentez-vous sur les labels existants (Label ISR, Label Greenfin, Label Finansol) pour savoir quels types de placements rechercher. N'hésitez pas à demander la documentation détaillée des fonds proposés.
Si vous êtes indécis : demandez à votre conseiller de vous présenter deux propositions comparables, l'une intégrant des critères ESG, l'autre non, avec leurs performances historiques respectives.
Si la durabilité ne vous intéresse pas : indiquez-le clairement. Le conseiller devra en prendre note et pourra vous proposer l'ensemble de sa gamme sans filtre ESG.
Conclusion
L'obligation de recueillir les préférences de durabilité transforme progressivement la relation entre épargnants et conseillers financiers. Au-delà de l'aspect réglementaire, cette évolution reflète une demande croissante des Français pour des placements qui font sens, en phase avec leurs valeurs.
La démarche de l'ACPR et de l'AMF devrait améliorer la qualité et l'homogénéité des pratiques d'ici les prochains mois. En tant qu'épargnant, vous disposez désormais d'un levier pour orienter votre épargne vers les secteurs d'activité que vous souhaitez soutenir.